Personne n’a pu expliquer sa présence là ! Une étoile en plein désert. Pas dans le ciel, mais échouée sur le sable, au bas d’une des dunes géantes de Sebsi, à quelques encablures de Ghardaïa. Pas n’importe quelle étoile ! Non ! Une étoile des mers. Et pas n’importe quelle étoile des mers. Une étoile des mers à six branches. Il est vrai que ce n’est pas unique comme «configuration». L’Asteroidea, membre de la classe d’Echinodermes (merci Wikipédia), est dotée de cinq branches, mais parfois plus. Ce que ne savaient visiblement pas les personnes tombées nez à nez avec cette étoile des mers à six branches reposant sur le sable doré du M’zab. D’où leur perplexité profonde : «Mon Dieu ! Une étoile des mers à six branches ! Mais comment est-ce possible ?» Lancèrent-ils tous de concert, dans une région où le dernier concert d’envergure remonte au Festival panafricain, en 1969. Aucun de ces ébahis ne posa la seule question qui aurait dû pourtant sauter au visage de tout être doté d’un SMIG de raison : «Comment une étoile des mers a pu échouer dans une zone sans mer, sans rivage et aux fonds pourtant insoupçonnés ?» Non ! C’était trop leur demander, aux badauds professionnels de la Vallée. Eux restèrent scotchés sur cette problématique des six branches. Littéralement tétanisés par ce nombre. Cinq, ça n’aurait pas posé problème. Ils en auraient discuté deux minutes sur place, trois en sus, au café, puis, le soir, autour du 6789e thé, ils n’en auraient plus parlé. Mais six branches, ça les turlupinait. Pourtant, personne ne pensa à appeler les experts du Centre Régional d’Observation des Fonds Marins implanté dans la banlieue-Est de Ouargla. Là, on leur aurait sûrement répondu que des Asteroidea à six membres, voire sept ont déjà été recensés. Mais non ! Les téléphones fixes et cellulaires, tous de fabrication chinoise, restèrent muets. Seul fonctionna le téléphone arabe. Dont la particularité première est de bloquer systématiquement tous les appels à plus de cinq chiffres. Sans info précise, sans notion de biologie marine, ils restèrent là, assis en rond autour de l’étoile de mer à six branches. Le soleil faisant son effet, la pauvre bestiole s’assécha, son p’tit corps se rabougrit et, au bout de cinq heures, pas de six, bien sûr, personne n’aurait pu dire avec certitude si cette étoile avait six ou cinq branches. L’appel du muezzin, au loin, finit par convaincre toute cette assemblée qu’il fallait y aller. Aller où ? M’enfin ! En ville, bien sûr. Pour accomplir l’un des cinq piliers de l’Islam ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.